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Gayetgate : l'affaire qui a donné du fil à retordre aux médias

gayetgate : l'affaire qui a donné du fil à retordre aux médias

Après la sortie de la Une choc de Closer, la réaction de la presse généraliste s’est quelque peu faite attendre. Comment évoquer la vie privée du chef de l’Etat sans la diffusion d’un communiqué officiel ? Retour sur le traitement médiatique d’un feuilleton digne d’un soap américain, mais pourtant bel et bien français. 

entre la vie privée et la vie publique,

« un verrou qui saute »

« Tout le monde s'est jeté dessus, vraiment tout le monde. La frontière entre presse people et généraliste s'est effacée. »  C’est avec ces mots que Virginie Spies, spécialiste des médias explique comment l’affaire Hollande-Gayet a suscité un engouement intense dans la sphère médiatique française, plaçant le reste de l’actualité à un rang secondaire durant plusieurs jours. Alors qu’il revendiquait son image de président « normal », François Hollande s’est retrouvé peopolisé à son insu lorsque Closer a sorti son fameux numéro. Et pour aborder une affaire si délicate avec un minimum de tact, les médias ont du faire preuve d’imagination. Leur objectif : trouver un angle qui justifie suffisamment le fait de parler de l’affaire. Celui qui se retrouve le plus souvent abordé, parmi tant d’autres, est lié à la question du respect de la vie personnelle des politiques. Le débat sur la frontière avec la vie publique se relance alors, avec une question majeure qui ressort à chaque fois : « Le président est-il un citoyen comme les autres ? »

 

 

Ainsi, on peut lire sur Europe 1 le 10 janvier 2014 que « c’est la première fois que la presse people s’empare d’une histoire comme celle-ci qui met en cause le chef de l’État ». Caroline Roux, éditorialiste politique de la radio bleue considère qu’ « un verrou a sauté ». Le même jour, Le Figaro écrit ces lignes : « Bienvenue en 2014. À l'heure des réseaux sociaux, de l'instantanéité de l'information et de la "peopolisation" du personnel politique. Une ère dans laquelle la vie amoureuse d'un président, personnalité parmi tant d'autres, n'est plus marquée du sceau du secret. » Dans ces deux médias mais aussi dans le Huffington PostLes Echos ou encore Libération, c’est donc la réflexion autour de cette frontière vie privée/vie publique qui prend le dessus, facilitant ainsi le traitement du scoop. 

L'affaire gayet en dates

un communiqué qui a joué le rôle de « Top départ» pour la presse

Au départ, la plupart des médias ont pris l’information avec des pincettes. Dans un article datant du 14 janvier, Télérama a interrogé quelques rédactions parisiennes pour tenter de comprendre la manière dont elles ont appréhendé l’info. Pour la grande majorité, c’est le communiqué de l’Elysée qui a tout déclenché. Vincent Girect, directeur délégué des rédactions du Monde, assure qu’ils ont voulu privilégier la protection de la vie privée. Il ajoute : « Quand Hollande a publié son communiqué, nous avons considéré que le sujet basculait dans la sphère publique. » Le directeur de la rédaction de France Inter Matthieu Aron a quant à lui tenté de dédramatiser l’information : « il nous est apparu évident qu'il fallait traiter l'info, sans pour autant y accorder une importance démesurée : nous avons fait un papier très factuel dans le journal de 8 heures.» En revanche, certains en ont profité pour critiquer le travail de leurs concurrents. « On a montré la couverture car il faut citer sa source. Ne pas la montrer, je trouve ça assez faux-cul », a déclaré Eric Monier, directeur de la rédaction de France 2. Il fait ici référence à la chaîne TF1 qui avait simplement évoqué un magazine people. Fabien Namias, directeur de la rédaction d’Europe 1, a défendu sa propre décision : « Je ne suis pas comme certains qui se sont bouchés le nez au début et qui rejoignent le mouvement deux jours plus tard parce que c’est vendeur ! »

 

Trois jours après la publication de Closer, d’autres interrogations surgissent. Cette fois-ci, elles concernent l’appartement dans lequel François Hollande a rendu visite à celle qui est désormais présentée comme sa maîtresse. Plusieurs médias ont repris la « révélation » de Mediapart selon laquelle le lieu était lié au grand banditisme corse. L’Express, Le Point ou encore BFM TV font partie de ceux qui sont tombés dans le piège, puisque le prétendu scoop n’en n’était en réalité pas un. Autre aspect de l’affaire sur lequel certains se sont empressés d’écrire des articles, celui concernant le statut juridique de la première dame. « En France, la compagne du chef de l'Etat ne dispose d'aucun statut légal », peut-on lire dans le Monde. Le Figaro atteste à son tour que « la première dame n'a en effet aucune existence officielle, que ce soit dans la Constitution, dans la loi ou même dans les textes régissant le protocole présidentiel ». D’autres ont choisi de tout bonnement reprendre l’angle de base choisi par Closer, comme le Nouvel Observateur qui pose la question : « la sécurité du président a-t-elle été menacée ? »

 

L’hospitalisation de Valérie Trierweiler après sa « crise de nerfs » aura aussi été un tournant dans l’affaire. D’après l’article de Télérama, c’est le moment où « les dernières rédactions encore silencieuses craquent ». La preuve avec ces déclarations de François Ernenwein, rédacteur en chef à La Croix : « Nous avons résisté le plus longtemps possible […] Là, nous avons fait une brève. »

Après la phase des questionnements, place au recul et à la critique

Une fois l’euphorie médiatique des premiers jours retombée, certains patrons de presse y sont allés de leur analyse personnelle.  L’un des premiers à réagir est Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr : « Les médias multiplient les angles hypocrites, selon deux catégories : ceux qui tournent autour du pot en évoquant les à-côtés […] et ceux qui parlent des effets politiques. […] pourquoi n’ont-ils pas sorti l’information avant ? Pourquoi ont-ils attendu qu’elle soit blanchie par un magazine people ? » Invité sur RTL, Jean-Louis Servan-Schreiber, co-fondateur de L'Express, s’est penché sur le travail de la presse féminine. En parlant de Valérie Trierweiler et de Julie Gayet, il explique qu’elles « sont de belles cover-girls, elles ont le look qu'il faut et cela fait de très belles couvertures. Comment résister ? »

 

Quant au comportement des chaînes d’information en continu, un article publié sur le site Arrêt sur Images expose la raison pour laquelle certaines ont mis du temps à réagir : « Selon le Canard Enchaîné de ce mercredi, […] le propriétaire de BFMTV a prié quelques dirigeants de sa chaîne d'info continue "d'y aller mollo" sur les révélations de Closer. "Même topo du côté de LCI". » Simple précaution liée à la déontologie journalistique, ou besoin de ne surtout pas mettre en péril ses relations avec le gouvernement ?  

outre-manche, la presse se régale

Beaucoup moins timides que la presse française, les médias britanniques se sont immédiatement jetés sur l’information. Cette dernière a même été placée en dominante mondiale durant plusieurs heures par la BBC. De plus, les journaux anglais ont pris un malin plaisir à parler de l’affaire avec humour. C’est le cas notamment du Times, qui a diffusé « une sorte d’agenda fictif en franglais » du président, en faisant dire à ce dernier : « Je suis le sexy, dirty chien.» Dans un édito, le très sérieux Financial Times 

 

Times s'amuse à défendre François Hollande et estime qu’il devrait pouvoir « manger ses croissants en paix », après tout. Le Telegraph de Londres a publié ces lignes : « Le président français s'est fait prendre le pantalon sur les genoux, trompant non pas la mère de ses enfants, mais la maîtresse, pour laquelle il a quitté cette dernière… » Plus sévère, le Daily Telegraph commente : « Avec une impopularité record, la dernière dont le président socialiste a besoin est un autre scandale d'alcôve. » La palme du manque de retenue revient sans surprise au Sun. Le tabloïd, qui n’a pas froid aux yeux, a été jusqu’à imprimer une photo de Julie Gayet topless, vieille d’une quinzaine d’années. Et ce, sur une page entière. 

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©2015 par Florian Guadalupe, Victoria Laurent, Joanna Thevenot et Alev YIldiz

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