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L'information peopolitique au coeur des médias

« Lhomosexualité de Florian Philippot et l’affaire Cahuzac peuvent être mises au même niveau en tant qu’information d’intérêt général ». C’est ce qu’a affirmé Patrick Eveno, membre de l’Observatoire de la déontologie de l’information, en janvier 2015 lors d'une conférence devant des étudiants en journalisme à Gennevilliers. Cette phrase explique effectivement que l’information people est traitée de la même manière que les autres sujets de l’actualité. Pourtant, une hypocrisie règne toujours de la part du public et des médias : les journaux comme Closer ou Public sont toujours considérés comme de la presse de caniveau. Éclairage.

Selon les chiffres de l’OJD, la presse des stars a trébuché en 2014. Mais il y a toujours des exceptions : ceux qui abordent des sujets politiques. La preuve, Paris Match compte 578 686 exemplaires vendus par semaine, ce qui représente une hausse de 0,56% sur un an. Et les scoops politiques de Closer ont permis d’augmenter les ventes du journal de 3,07%, soit 335 951 exemplaires par semaine. Du jamais vu pour l’hebdomadaire, face à des magazines politiques en baisse constante. L'Obs encaisse une baisse de plus de 7% depuis un an, L'Express 3,5% tandis que Le Point voit ses ventes chuter de 4,8%. Pourtant, les sondages sont contradictoires : sept Français sur dix considèrent que les médias enquêtent trop sur la vie privée des politiques (Ifop, 2011) et 77% pensent que la liaison entre François Hollande et Julie Gayet ne concerne que le président (Ifop, 2014). Mais les chiffres des ventes ci-dessus démontrent l’inverse. 

Pour Jamil Dakhlia, professeur en sciences de l’Information et de la Communication à l’université Paris 3, avec sa révélation sur le locataire de l’Élysée, « Closer a acquis une certaine légitimité ».

 

L’information people prend de l’importance à partir du moment où elle acquiert une importance publique. « Closer prend soin d’introduire un élément légitime au débat public », analyse le chercheur. « Il met des éléments d’amorces de débats politiques. Mais il le fait car il procure une forme d’alibi, sinon sa démarche serait apparenté à du voyeurisme », ajoute-t-il. C’est par ce biais que les journaux people se font leur place dans le milieu médiatique.

la peopolisation, un coup de com'

L’essor des politiques dans la presse de stars existe depuis des années. François Mitterand avait fait 34 fois la couverture de Paris Match, Charles de Gaulle 30 fois et Jacques Chirac 28 fois. Autant dire que tous les présidents y sont passés, et même certaines premières dames comme Carla Bruni-Sarkozy et Claude Pompidou. Pourquoi ? Parce que cet hebdomadaire renvoie une image de peopolisation bling bling. Dévoiler sa vie privée est un vrai plan de communication. « On a beaucoup hésité avant d’accepter un reportage dans Paris Match », livre le député socialiste Jean-Marc Germain au Point à propos du couple qu’il forme avec Anne Hidalgo, la maire de Paris. On note ainsi une certaine hypocrisie de la part des politiques qui critiquent à la fois la presse people, mais qui s’en servent aussi pour leurs coups de communication.

 

Les médias traditionnels, eux aussi, en profitent pour faire des coups. Après l’affaire Hollande-Gayet, on a assisté à une vague de media-reporting de la part d’un ensemble de journalistes, c’est-à-dire lorsque « l’on commente le fait que d’autres médias en parlent, et on analyse la couverture de la façon dont ces médias ont ouvert l’affaire », définit Dakhlia. De nombreux journaux comme Le Parisien, Le Point, L’Express, mais aussi Le Monde se sont emparés d’affaires people. « Closer donne un cadrage qui permet la reprise par d’autres médias, ce qui est très habile, poursuit-il, ça facilite le transfert de l’article et de l’information ». 

Entrer dans la vie privée des politiques, ça fait vendre. Les médias traditionnels s’en sont rendus compte et sautent désormais sur l’occasion pour enquêter eux-mêmes sur la sphère personnelle de nos dirigeants. Non pas que ceux-ci soient devenus une presse people ou que la presse de célébrités soit devenue politique, loin de là. On assiste simplement à un rapprochement des deux thématiques. La raison est simple : les lecteurs s’y intéressent. Cela se confirme dans l’audience ou les ventes enregistrées. Les chaînes d’information en continu en ont fait une priorité. On se souvient ainsi de la conférence de presse de janvier 2014, obscurée par les révélations de Closer. Certes, le pays est en crise, le chômage au plus bas, la croissance en peine de relance, les réformes ne pointent pas le bout de leur nez. Mais l’une des « priorités » ce jour-là était la question : Julie Gayet est-elle la nouvelle première dame ?

« quand je pense qu'il y en a certains qui ont perdu leur carte de presse » 

Ce sujet est toujours d’actualité aujourd’hui. Tant que François Hollande n’aura pas éclairci sa vie privée, l’ensemble des médias va vouloir s’en charger. Particulièrement lorsqu’un flou persiste. Quand l’amante du président est protégée par un agent de sécurité, on a besoin de savoir s’il est justifié par le fait qu’elle est la compagne du président. Mais les journalistes seront toujours divisés sur cette question. 

 

Le 15 mars 2015, Valérie Trierweiler fait son retour sur France 3 pour parler de son action au Secours populaire. Lors de l’interview, le journaliste Jean-Noël Mirande a refusé d’évoquer François Hollande, en se justifiant : « Volontairement, nous avons choisi de ne pas parler de polémique ce soir. La question, je ne vous la poserai pas, tout le monde l’a dans la tête. » Une prise de position qui a indigné les réseaux sociaux… et Nicolas Domenach. Dans La Nouvelle Edition sur Canal+, le chroniqueur politique s’emporte : « On n’a pas à se tortiller comme ça. Je trouve ça incroyable le nombre de questions essentielles qu’il y avait à se poser. Pas seulement sur la gifle qu’elle avait donné, mais elle a planté dans le dos de François Hollande l’un des pires coups de poignards politiques qui soit. Il ne lui a posé aucunes questions s’il y allait avoir un film, comment et quand, sans parler de l’édition de poche qui est sorti. » Le trio Hollande-Gayet-Trierweiler n’a jamais été autant d’actualité. Un grand nombre de médias ont fait de cette affaire un dossier incontournable. « Quand je pense qu’il y en a qui ont perdu leur carte de presse », termine le journaliste de Challenges, agacé, en référence à l’affaire Pascale Clark. Sous-entendant ainsi qu’un journaliste digne de ce nom aurait osé poser plus de questions sur l’intimité de l’ex-première dame. Après des années à être qualifié de « presse poubelle », Closer peut rire jaune.

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©2015 par Florian Guadalupe, Victoria Laurent, Joanna Thevenot et Alev YIldiz

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