Nicolas sarkozy, le président people
Nicolas Sarkozy est le premier président de la République française à s’être autant mis en scène dans les médias : étalage de sa vie de couple, scandales à répétition... Il a mené la peopolisation à son apogée et en a repoussé toutes les limites, allant jusqu’à l’extrême. Une image bien étudiée que l’ancien chef de l’Etat a tenté de maîtriser, jusqu’à ce qu’elle lui glisse entre les doigts.

Nicolas sarkozy et carla bruni a l'elysée © PASCAL rostain
de candidat bling bling à candidat du peuple
Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy aura marqué la vie politique française : jamais le phénomène de peopolisation n’aura pris autant d’ampleur dans le pays qu’avant son élection en 2007. Son omniprésence dans l’agenda médiatique, il la souhaite, la travaille, la peaufine… mais il ne la contrôle pas toujours. Dès son arrivée à l’Elysée, il veut donner l’image d’un président moderne, soutenu par un grand nombre de célébrités. Proche des grands patrons, l’ancien ministre de l’Intérieur a longtemps joué la carte du bling bling. Or, lors de sa campagne de 2012 face à François Hollande, la tendance s’est inversée et l’ancien chef de l’Etat s’est autoproclamé « candidat du peuple français ». Ses rivaux n’ont pas manqué de souligner ce soudain retournement de veste. En février 2012, Olivier Besancenot, ancien porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste s’est emporté sur Canal + : « Ça ressemble surtout à une grosse blague […] Le candidat du peuple qui était juste avant le candidat des riches, il y a quelque chose que je ne pige pas. » Eric Mandonnet, rédacteur en chef adjoint du service politique de L’Express, a quant à lui écrit en janvier 2008 dans l’hebdomadaire que « pendant la campagne, ce n’est pas un candidat, c’est un artiste en tournée. "Ils n'avaient jamais vu ça depuis les Beatles!" » Ces phrases auraient été prononcées par Nicolas Sarkozy après un meeting à Londres.
Après l’épisode du Fouquet’s où il a choisi de fêter sa victoire en 2007, ou celui du yatch de Vincent Bolloré sur lequel il a passé quelques jours de vacances, Nicolas Sarkozy a continué de faire parler de lui. Et ce, en devenant notamment le premier président dans l’exercice de ses fonctions à divorcer. On se souviendra notamment de l’affaire du SMS envoyé à son ex-épouse Cécilia Attias : « Si tu reviens, j’annule tout. » Un texto envoyé huit jours avant son remariage avec la chanteuse et ancienne mannequin Carla Bruni. Avant de convoler avec cette dernière, il a été jusqu’à évoquer cette nouvelle relation en conférence de presse en affirmant : « Avec Carla, c’est du sérieux », deux mois à peine après sa séparation avec Cécilia.
Dans une interview accordée au 20 minutes, l’historien et directeur de la revue Le Temps des Médias, Christian Delporte considère que l’actuel patron de l’UMP « a payé le prix de sa peopolisation et s’est rendu compte qu’elle lui était préjudiciable ». En s’efforçant constamment à faire de son image une stratégie de marketing, il a fini par s’infliger lui-même le revers de la médaille.
« En mettant en avant sa famille, il est apparu comme plus sympathique aux yeux des Français. Mais tout est un problème de dosage et l'exposition de sa vie privée est ensuite apparue comme indécente », ajoute le spécialiste. Exemple plus récent de peopolisation qui prouve que l'homme politique de 60 ans reste le maître en la matière : le 8 janvier dernier, Carla Bruni lui a organisé une fête d’anniversaire en grande pompe dans leur hôtel particulier du XVIe arrondissement de Paris. Parmi les invités étaient présents l’acteur Jean Reno, l’actrice Emmanuelle Seigner, le cinéaste Roman Polanski, l’ancien directeur sportif du PSG ou encore le PDG du groupe hôtelier Accor.
trop, c'est trop
Dans son ouvrage People et politique : un mariage contre nature ? Critères et enjeux de la peopolisation, Jamil Dakhlia explique que « son goût pour la peopolisation peut en partie s’expliquer par sa fascination pour la communication politique américaine. La médiatisation de la famille de John F. Kennedy, notamment, est une source d’inspiration récurrente dans la gestion de son image publique ». Le professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle estime que les apparitions de Sarkozy – et notamment celles où il est en couple – font penser à un homme politique qui suit les traces des Kennedy. Jean-Pierre Bédéï, éditorialiste et responsable du bureau parisien de La Dépêche du Midi, dénonce sur le site un « mélange du monde politique et du show-biz au plus haut niveau de l’État ». Il précise également que « lorsque Cécilia l’a quitté, il rabrouait les journalistes qui l’interrogeaient sur sa séparation. Tant que sa vie de couple respirait le bonheur, Sarkozy l’exposait ostensiblement, dès lors qu’elle était en crise, il ne cessait de vilipender la curiosité, évidemment "malsaine" de la presse ».
En somme, une peopolisation utilisée en tant qu’instrument de communication, et dont il se sert uniquement quand elle tourne la situation à son avantage. Lors de la naissance de sa fille Giulia en octobre 2011, l’Elysée a refusé tout commentaire et a fait preuve d’une grande discrétion. À noter que le fait qu’un président devienne père durant son mandat est quelque chose d’inédit en France. Preuve que Nicolas Sarkozy s’est rendu lui-même victime de sa propre surexposition médiatique ? À la question « Avez-vous été ému par l’arrivée du bébé de Carla Bruni et Nicolas Sarkozy à l’Elysée ? », 86,5% des Français ont répondu « Non » selon une enquête de l’institut Harris Interactive. Un résultat qui traduit le manque d’intérêt du peuple pour sa vie privée.

Nicolas sarkozy et barack obama dans les jardins de l'élysée © PASCAL rostain
Enregistrement :
Olivier Cahn, juriste, explique la différence de comportement politique entre François Hollande et Nicolas Sarkozy
une dégradation de la fonction présidentielle ?
Mais la peopolisation de l’ancien maire de Neuilly atteint son paroxysme lors de la diffusion d’un documentaire sur Direct 8 le 5 novembre 2013, Campagne Intime. Réalisé par une amie de Carla, Farida Khelfa, il a été tourné durant la campagne de 2012. Beaucoup de choses sont dévoilées. Beaucoup trop. Au programme : des scènes familiales où on peut le voir jouer avec sa fille, discuter de sa carrière politique, écouter tendrement Carla chanter et l’applaudir, se balader en peignoir… Des images encore inédites de la part d’un président de la République. Son ancienne ministre Rachida Dati a même été jusqu'à déclarer lors d’une interview au Parisien que « Nicolas Sarkozy ne devrait plus parler de lui ou de sa vie personnelle ». Conseil d’amie ?
Si aucun président ne s’était autant dévoilé dans la presse avant lui, aucun n’avait non plus été autant moqué. Il a été le bouc émissaire du Petit Journal, imité à de multiples reprises par Stéphane Guillon, Michel Guidoni ou Gérald Dahan et parodié pour ses déclarations telles que « Casse-toi, pauv' con ! » ou « Est-ce que vous me prêtez deux neurones dans ma tête ? ». Il a même fait l’objet de centaines de photomontages lorsqu’il s’est incrusté au premier rang de la marche républicaine du 11 janvier 2015. À croire que Nicolas Sarkozy aura vraiment fait de son mieux afin de décrédibiliser le statut de chef de l’Etat. Pour rendre la tâche encore plus difficile à la personne qui lui a succédé ?
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