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l'outing, quand la peopolisation va tRop loin

Il y a ceux qui font leur coming out, et ceux qui se retrouvent « victimes » de l’outing. Chez les politiques, l’homosexualité a toujours plus ou moins fait l’objet d’un tabou. La preuve avec le scandale qu’a suscité l’affaire Philippot. Encore aujourd’hui, beaucoup d’entre eux n’osent pas évoquer leurs orientations sexuelles… Jusqu’à ce que parfois, les médias le fassent pour eux.

Vendredi 12 décembre 2014. Florian Philippot, numéro 2 du Front national, se retrouve « outé » en couverture de Closer. Photos avec son « ami » à l’appui, la révélation provoque bien entendu l’indignation de l’homme politique de 33 ans mais aussi l’indignation générale, notamment sur les réseaux sociaux. Les réactions fusent sur Twitter et au sein du FN, le magazine people n’est pas épargné. Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen et vice-président du parti, s’est ainsi insurgé sur son compte : « Closer est pitoyable comme toujours. Comment des citoyens peuvent-ils acheter ce torchon ? ».

 

Du côté des journalistes, cet outing –  le fait de dévoiler l’homosexualité de quelqu’un à son insu – fait également grincer des dents. Le journaliste politique à l’AFP Guillaume Daudin s’est exprimé sur le réseau social en expliquant : « Vie privée, vie publique, deux mondes qui doivent rester séparés. »

FLORIAN PHILIPPOT

Quant à Jack Dion, journaliste chez Marianne, il a twitté que « l’outing médiatique d’une personnalité, quelle qu’elle soit, est une pratique immonde. #Closer #Philippot ». Florian Philippot a même reçu le soutien de plusieurs socialistes, dont le député du Pas-de-Calais Nicolas Bays, qui lui a écrit : « L’outing de f_philippot (son compte Twitter, ndlr) par #Closer est inacceptable. Même si j’exècre ses idées, le droit à la vie privée est sacré ». Interrogé sur France Inter, le principal intéressé a dénoncé : « j’ai été victime […] d’une atteinte gravissime à ma vie privée ».

 

Le coming-out : « les gens ont la trouille »

Avec cette affaire, Closer s’en prend de nouveau à la sphère politique sur un cas aussi important, après le numéro sur la liaison entre François Hollande et Julie Gayet. Jamais un organe de presse people n’avait consacré ses pages à un outing auparavant. Et pour cause, ce phénomène assez rare n’a été subi pour le moment que par très peu de politiques. Parmi eux, Jean-Luc Romero, actuellement conseiller régional d’Île-de-France et adjoint au maire chargé de la Culture et du Tourisme du XIIe arrondissement de Paris. Le 19 octobre 2000, le magazine gay gratuit e-male expose au grand jour son homosexualité sans le prévenir, alors que Jean-Luc Romero s’apprêtait à le faire lui-même dans Le Monde. Au lieu de ça, il décide donc de sortir un livre accusateur intitulé On m’a volé ma vérité.

Enregistrement : 

Laurence Pieau, directrice de la rédaction de Closer, raconte comment le magazine s'est intéressé à Florian Philippot et à son homosexualité. 

L’ancien secrétaire national de l’UMP deviendra ensuite le seul homme politique à avouer sa séropositivité dans Virus de vie, son second ouvrage. Il avait d’ailleurs fondé en 1995 l’association Elus locaux contre le sida, qu’il continue de présider depuis. En 2011, Jean-Luc Romero, aujourd’hui apparenté PS, sort Homo Politicus : politique et homosexualité de 1960 à nos jours, un livre dans lequel il évoque la complexité de la relation entre les deux cadres. Lors de sa sortie, il s’est confié à Libération : « J’ai sollicité des gens importants à l’UMP ou au PS, pour parler ouvertement de leur homosexualité cachée. On m’a répondu: "Attends, je réfléchis", ou "Ce n’est pas mon dernier mandat", ou encore "Toi, tu n’as pas fait carrière". Les gens ont la trouille ».

Autre exemple : celui de David-Xavier Weiss, outé en 2011 par Le Canard Enchaîné, un média satirique pourtant sérieux. L’hebdomadaire affirme que ce dernier serait le « compagnon depuis sept ans » de Roger Karoutchi, sénateur UMP des Hauts-de-Seine, qui lui a fait son coming out en 2009. Weiss, secrétaire national de l’UMP en charge de la presse et des médias, s’est ensuite exprimé au micro d’Europe 1 suite à l’affaire Philippot. Lorsque Jean-Marc Morandini lui demande comment il a vécu son propre outing, l’adjoint au maire de Levallois répond : « Très mal […] ma famille n’était pas au courant, c’est plutôt une chose que l’on veut réserver d’abord à ses proches […] je ne voulais pas en parler publiquement. »

act up : existe-il une légitimité de l'outing ?

En réalité, le phénomène a été introduit au grand public en 1990 aux Etats-Unis, dans un article de William Alan Henry III publié dans le Time et intitulé « Forcing Gays Out of the Closet »,  soit « Forcer les gays à sortir du placard ». L’association Act Up, qui lutte contre le Sida, se met alors à menacer les personnes qui refusent d’assumer leur homosexualité de la dévoiler à leur place. Un grand nombre de séropositifs étant gays, les militants considèrent que « silence=death », soit « le silence=la mort » et n’hésitent pas à s’en prendre à des politiques américains.

En France, l’histoire est toute autre. Si l’association s’est implantée dans notre pays en 1989, elle n’a jamais divulgué quoi que ce soit, contrairement aux actions menées outre-Atlantique. Néanmoins, lorsque des manifestations contre le Pacs ont commencé à voir le jour en 1998, les activistes d’Act Up ont menacé publiquement d’outing Renaud Donnedieu de Vabres, mais sans toutefois citer son nom directement. L’ancien ministre UMP de la Culture et de la Communication avait suscité leur colère en prenant clairement position contre le Pacs.

 

Finalement, on apprend en 2003 dans l’ouvrage Nos délits d’initiés, mes soupçons de citoyen de Guy Birenbaum qu’il s’agissait bel bien de lui. Aucune réaction cependant de la part du principal intéressé. Reste à savoir si l’on peut justifier le fait de dévoiler l’homosexualité de quelqu’un à sa place, « pour la bonne cause ».

des activistes d'act up lors d'une manifestation contre le sida à paris en 2002

to come out or not to come OUT ?

Une question que doivent se poser de nombreux politiques gays avant de « sortir du placard ». La liste de ceux qui ont pris leur courage à deux mains et qui ont décidé d’affronter l’opinion publique est relativement longue. Le plus connu est certainement Bertrand Delanoë. L’ancien maire socialiste de Paris a fait preuve d’honnêteté à la télévision, dans l’émission Zone Interdite en novembre 1998. Alors qu’il n’était à l’époque que sénateur, il répond à la question : « Êtes-vous hétérosexuel ou homosexuel ? » par un simple : « Je suis homosexuel. Sinon, vous ne m’auriez pas invité à participer à votre émission. » Une franchise saine et déroutante, qui n’a pas empêché le candidat PS d’être élu à la mairie de la capitale. On peut lire dans Libération que lors d’un entretien pour le livre Homo politicus de Jean-Luc Romero, Bertrand Delanoë lui a confié : « Cela ne m’a pas nui. Cela ne m’a pas rendu service. Ça a simplement mis les choses au clair. »

Bertrand Delanoe

S’ajoute ensuite à la liste Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture de 2002 à 2004, qui avait déclaré au Monde un peu moins de deux mois avant sa nomination qu’il était gay. En 2011, c’est au tour de Bruno Julliard de faire son coming out dans le magazine Têtu. Le premier adjoint d’Anne Hidalgo proclame alors : « Oui, je suis homosexuel, je vais en boîte, dans des soirées gays, j’aurais du mal à le cacher. » La même année, le député UMP de Coulommiers, Franck Riester explique que son homosexualité « n’est pas un secret » après un incident avec un adversaire politique durant un conseil municipal.

 

Au milieu de tous ces hommes, une femme : Françoise Gaspard. Cette ancienne députée-maire socialiste de Dreux avait été jusqu’à refuser de se marier avec un homme en 1981, comme il le lui avait été conseillé, même si cela lui a coûté sa place de ministre auprès de François Mitterrand. Lors de son Pacs avec sa compagne, elle a assumé le fait d’être lesbienne dans Le Nouvel Observateur du 8 avril 1999.

 

Mais l’un des pionniers en la matière parmi les politiques français reste sans conteste André Labarrère, décédé en 2006. Il était alors député et maire de Pau, où ses orientations sexuelles n’étaient plus vraiment un secret. Bien qu’il se soit prononcé en 2004 contre le mariage gay, il était « sorti du placard » à l’âge de 69 ans. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour faire son coming out… Tant que l’on ne s’est pas fait « outer » avant.

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©2015 par Florian Guadalupe, Victoria Laurent, Joanna Thevenot et Alev YIldiz

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